Comment le cheval voit-il le monde qui l'entoure ?

Comment le cheval voit-il le monde qui l'entoure ?



En faisant l'effort de s'attarder un peu plus précisément sur la façon dont le cheval perçoit les formes et les couleurs de son environnement, on s'autorise aussi en conséquence à mieux comprendre certains de ses comportements qui peuvent parfois surprendre.


Les réponses apportées ici sont instruites en partie à partir d'observations recueillies auprès du docteur E. Miller, vétérinaire et professeur à la Faculté des Sciences Vétérinaires de Madison dans le Wisconsin.

On dit souvent que le cheval est un animal craintif et parfois même impulsif. Est-ce que ce comportement aurait un lien avec la façon dont il perçoit ce qui l'entoure ?

Le caractère craintif est une attitude naturellement observée chez les animaux qui entrent dans la catégorie des proies, et le cheval n'y échappe pas. Même si celui-ci paraît aujourd'hui mieux protégé des prédateurs, il n'en a pas moins conservé cet héritage du passé. Quant à ses aptitudes visuelles, si on les confrontent à celles de l'homme, elles peuvent certes présenter des lacunes, mais à bien d'autres égards, celles-ci sont tout à fait enviables.
En premier lieu, quand on détermine l'acuité visuelle du cheval par rapport à l'échelle de Snellen (20 pieds ou 6m), la vision moyenne du cheval est généralement évaluée entre 20/30 et 20/40. On note qu'elle est ainsi supérieure à celle du chien, estimée à 20/75. Par contre, si on l'oppose à celle de l'homme, il est vrai que la vision des équidés reste bien moins performante. L'homme sain peut clairement identifier tous les détails d'un objet situé à une distance de 20 pieds (6m). Son acuité est alors dite normale, on la notera 20/20. Le cheval, noté 20/30, voit les objets situés à 20 pieds comme si ceux-ci étaient placés à une distance de 30 pieds.

En général, le cheval est apeuré et peut prendre la fuite lorsque quelque chose au loin ne lui est pas familier. Est-ce que ce comportement de fuite tient à une mauvaise évaluation des distances ?

Nous venons de l'évoquer ci-dessus, les chevaux ont une évaluation des distances qui reste tout de même satisfaisante. A ce jour, il est même abusif d'affirmer que sa vision au delà d'une certaine distance soit véritablement trouble. Si on en croit certaines études, il semblerait que, les objets perçus au loin lui apparaissent plutôt comme «vus autrement». Plus précisément, on pense que son cerveau reçoit plutôt une représentation légèrement «pixellisée» des formes trop lointaines, une sorte de granulation de l'image. Maintenant, à moins que l'objet éloigné soit vraiment minuscule, le cheval est capable de voir suffisamment loin.
Par ailleurs, la forme particulière de sa pupille (fente horizontale) lui permet de bien balayer tout l'horizon, et c'est ici une capacité supplémentaire pour cet animal, dont le dessein consiste avant tout à ne pas être pris au dépourvu par l'assaut d'éventuels prédateurs.
Alors, même si implicitement nous regrettons que la vision à distance du cheval ne soit pas aussi puissante que la nôtre, il faut intégrer l'idée que l'important pour le cheval est de se mettre en alerte lorsqu'il détecte une forme ou un mouvement qui ne lui est pas habituel. Voilà un paramètre auquel le cavalier devra s'adapter !

Le cheval peut-il voir correctement de près, et perçoit-il tous les détails ?

Le cheval peut commencer à bien distinguer un objet à partir de 50 cm. Si la distance de l'objet est en deçà de cette limite, il ne pourra correctement en discerner la forme exacte et les détails. Avouons qu'il n'est pas le seul, et toutes proportions gardées, le même phénomène se produit aussi pour nous, lorsqu'une image se trouve beaucoup trop proche de nos yeux.
D'autre part, un cheval pourra correctement repérer et localiser un objet d'environ 9 cm, placé à 1m 80 de lui. Là où la vision de l'homme est, une fois de plus, beaucoup plus performante, c'est au niveau de la focalisation. En effet, un homme, s'il est placé à la même distance, sera apte à détecter un objet de seulement quelques millimètres (comme un morceau de papier, par exemple). Cependant, on peut se demander si cette faculté serait d'une absolue nécessité pour le cheval qui se doit surtout de voir à temps la survenue d'un intrus, ou simplement de distinguer ce qu'il est en train de brouter.

Est-ce que la vue du cheval évolue avec l'âge ?

A ce niveau, peu d'études concluantes ont été conduites jusqu'à ce jour. Ce que l'on peut dire en revanche, c'est que la cataracte est une affection présente aussi chez le cheval. Néanmoins, cela ne semble pas être une invalidité si insurmontable pour lui, car le cheval n'est pas tenu d'effectuer des tâches qui exigent de lui une précision strictement rigoureuse.

L'homme, sauf s'il ne fait l'effort de tourner la tête, ne pourra rien déceler derrière lui. Le cheval, meilleur que l'homme à ce sujet, a-t-il tout de même quelques insuffisances ?

Le balayage visuel d'un cheval, même s'il reste immobile, est quasi optimal. Avec un seul œil, son angle de vision horizontal atteint 190 à 195 degrés et verticalement cette faculté est de 178 degrés.
Ainsi, lorsqu'il broute, il peut à la fois voir le sol et le ciel. Enfin, tous deux ensemble, les yeux du cheval lui permettent d'obtenir un angle visuel de 350 degrés. Le panorama perçu est donc quasi sphérique. Les angles morts, pour lui, sont finalement assez étroits.
Ces angles perdus se situent entre ses yeux, sous les naseaux et derrière l'encolure.
Un champ de vision aussi sphérique permet, là aussi, de se prémunir aux mieux des dangers. Ainsi, sans bouger, il peut non seulement voir la menace arriver de face et/ou des deux cotés, et dans le même temps, scruter tout mouvement qui serait engagé derrière lui.
Par ailleurs, chaque œil fonctionnant indépendamment l'un de l'autre, font du cheval un animal à vision principalement monoculaire. Cette vision peut passer en mode "binoculaire" uniquement quand les deux yeux se focalisent droit devant sur un même objet. Les images renvoyées au cerveau seront ici alors simplement superposées, pour n'en former qu'une seule. Son champs de vision binoculaire est compris entre 55 et 80 degrés, et, à ce stade, sa perception du relief d'ordinaire peu élaborée, est ici mieux définie. A titre d'information, la vision binoculaire du chien est comprise entre 30 et 60 degrés, 140° pour le chat et pour l'homme, elle est de 170°.

Les chevaux distinguent-ils les couleurs ?

Contrairement à l'homme qui possède trois cônes récepteurs sensibles aux couleurs (bleu, vert et rouge), le cheval, lui, ne possède que deux cônes pour pouvoir reconnaître celles-ci. Son spectre des couleurs est donc moins riche et son cerveau ne peut percevoir certaines nuances.
En comparaison, un humain, avec une vision normale, est capable de différencier quatre couleurs basiques : le bleu, le vert, le jaune et le rouge. A partir de cette base, c'est environ plus de 100 nuances chromatiques intermédiaires que l'homme est disposé à détecter. L'homme est, par exemple, capable d'identifier une palette très étendue de divers oranges avec la combinaison rouge/ jaune, puis de nombreux violets avec le bleu/rouge, etc.
Avec moins de photorécepteurs que celle de l'homme, le rétine du cheval ne prédispose pas celui-ci à distinguer toutes les couleurs. La façon dont il perçoit les couleurs serait alors, semble-t-il, moins soutenue. Comparés à la réalité chromatique de l'homme, les éléments qui entourent le cheval afficheraient des coloris légèrement plus ternes avec des teintes tirant souvent vers les pastel. En outre, le rouge serait une des couleurs la plus faiblement perceptible pour lui.
Enfin, certaines couleurs de son décor environnemental ne pouvant être totalement discriminées, le cheval les capterait comme des variations de gris-blanc, notamment en ce qui concerne les nuances comprises entre le bleu et le vert.

Le cheval peut-il vraiment voir dans l'obscurité ?

Avec une vue qui peut s'adapter à l'obscurité, on se rend compte que le cheval présente ici des dispositions supérieures aux capacités humaines en matière de vision.
Doté d'une pupille en forme de fente rectangulaire et d'une membrane réfléchissante derrière la rétine (le tapetum lucidum), le cheval est à même de voir convenablement dans la nuit, à condition toutefois que l'obscurité ne soit pas totale. Là où l'homme a développé une bonne capacité à voir les couleurs, le cheval a, quant à lui, convenablement accoutumé ses yeux à pouvoir bien distinguer son environnement en pleine pénombre.
Si pour l'homme et le cheval les capacités visuelles se sont construites différemment, c'est qu'elles sont depuis la nuit des temps, directement liées à des exigences bien différentes pour chacune des deux espèces ; ces aptitudes ayant avant tout été stimulées par des objectifs essentiellement pragmatiques, que ce soit au niveau de la recherche de leur nourriture ou de leur instinct de survie. Le cheval étant un animal proie, mais soumis aussi à moins de difficultés pour trouver sa nourriture, sa fonction visuelle s'est alors surtout axée sur la détection des mouvements plutôt que sur la distinction des couleurs. En outre dans la nature, beaucoup de prédateurs peuvent complètement dissoudre la couleur de leur peau ou de leur fourrure dans l'environnement dans lequel il chasse, il est donc peut-être plus opportun pour le cheval de pouvoir en priorité détecter les mouvements.